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Céline Verzeletti (CGT) : “On ne donne plus aux agents les moyens de travailler correctement”

À quelques jours de l’ouverture des élections professionnelles dans la fonction publique, Acteurs publics est allé à la rencontre des représentants syndicaux pour prendre le pouls d’un événement qui revêt de nombreux enjeux et pour lequel la participation reste la grande inconnue.

Dans quel état d’esprit vous trouvez-vous à l’approche des ces élections professionnelles ?
Nous sommes dans un état d’esprit assez confiant par rapport au dépôt des listes, qui nous a permis de constater l’important travail réalisé par les équipes militantes pour faire en sorte qu’un maximum de participants votent pour la CGT. Cette couverture satisfaisante, plus importante que lors du dernier scrutin, nous permet de constater que nous parvenons à trouver des personnels qui souhaitent figurer sur une liste électorale. C’est toujours satisfaisant de constater l’engagement de personnes prêtes à s’engager collectivement ou individuellement pour représenter les agents. Nous sommes également dans un état d’esprit offensif, dans un contexte de forte mobilisation, notamment sur les questions salariales.
Face à l’inaction du gouvernement et aux enjeux de taille auxquels nous faisons face actuellement, l’exécutif répond à grands coups de 49.3 alors qu’il y a un vrai besoin de débat et d’échanges autour de la fonction publique et des services publics. Il y a également un véritable enjeu autour des conditions de travail. On ne donne plus les moyens aux agents de travailler correctement et de délivrer un service public de qualité. Nous avons matière à porter de nombreux sujets de manière offensive. Si nous, en tant que CGT, parvenons à réaliser un score intéressant, cela sera également le signe qu’il est absolument nécessaire d’apporter plus de moyens, et de reconnaître, enfin, l’utilité de la fonction publique et celle des agents et de leurs qualifications.

La participation représente un enjeu de taille cette année, sachant qu’elle était passée sous la barre des 50 % pour la première fois en 2018. Quelles seraient les conséquences d’une participation encore en baisse ? Ne serait-ce pas un mauvais signal pour le dialogue social ?
C’est un point qui nous inquiète. En 2014, la participation avait passé la barre des 50 % et nous sommes redescendus en-dessous en 2018. Et la mise en place du vote électronique généralisé dans la fonction publique d’État n’est pas pour nous rassurer. Nous constatons que dans certains secteurs, les taux d’équipement informatique ne sont pas bons, il n’y a pas de culture de l’informatique. Je pense notamment au ministère de la Culture. Certains agents n’ont pas la boîte e-mail professionnelle nécessaire pour voter électroniquement. Cela va complexifier les choses. Par ailleurs, certaines composantes de ce vote électronique sont gérées par des entreprises privées au sein desquelles nous avons identifié des dysfonctionnements, au sujet desquels nous avons interpellé la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Par exemple, le numéro d’activation qui permet de voter électroniquement n’est généré que si l’agent a activé une boîte e-mail professionnelle et ce n’est pas le cas de tout le monde. Cela nous inquiète beaucoup. On ne se privera pas de faire les recours nécessaires si des dysfonctionnements sont constatés. Par ailleurs, nous voulions que le vote électronique reste un choix et que les agents aient toujours la possibilité de choisir l’urne. Ce système pose donc question au niveau de son accessibilité, mais aussi au niveau de la sécurité des données. Les agents disent ne pas avoir envie que leur chef de service sache pour qui ils ont voté.

Le vote fait partie du rapport de force que nous avons à mettre en place et qui permet aux professionnels d’être acteurs de leur vie au travail.

La participation observée en 2018 ne peut qu’interroger sur l’avenir du dialogue social dans la fonction publique et sur la légitimité des organisations syndicales à porter les revendications du personnel. Preuve en sont aussi les faibles taux de grévistes enregistrés lors des derniers appels à la mobilisation. Vos syndicats doivent-ils revoir leurs moyens et méthodes d’action ?
Si la participation est en baisse, cela ne renforcera pas notre légitimité et contribuera plutôt à renforcer les positions de ceux d’en face, qui estiment souvent que nous ne représentons pas bien les personnels. De notre côté, nous faisons tout pour que les agents puissent s’exprimer. La démocratie sur le lieu de travail est importante, elle doit être respectée. Il ne faut pas oublier que le vote fait partie du rapport de force que nous avons à mettre en place et qui permet aux professionnels d’être acteurs de leur vie au travail, du contenu de leurs missions, mais aussi de participer à l’évolution de la fonction publique au sens large.

Ne craignez-vous pas une baisse de la participation du fait notamment de la réduction du champ de compétences des commissions administratives paritaires (CAP) ? Votre action au sein de ces commissions était en effet, jusqu’à ce jour, l’un des principaux motifs d’adhésion des agents publics à vos organisations syndicales…
On ne voit pas trop les conséquences que pourrait avoir la transformation des instances, car le processus est en cours. Mais force est de constater que nous sommes moins intégrés dans les décisions sur les mobilités et les évolutions de carrière. Nous n’interviendrons qu’en cas de recours. Cela nous donne moins de droits, moins de proximité avec les agents et rend difficile la représentation satisfaisante des personnels sur des sujets individuels ou collectifs. Il faut également souligner que la suppression des CHSCT [les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ndlr] est problématique dans un contexte dans lequel les conditions de santé et de sécurité au travail sont des sujets incontournables. L’instance devrait être renforcée, c’est pourtant le contraire qui se produit.

Quel regard portez-vous sur l’état du dialogue social dans la fonction publique aujourd’hui ?
Le dialogue social est dégradé, ne répond pas aux besoins actuels et ne nous permet pas de pouvoir être entendus. Dans le cadre du Conseil commun de la fonction publique et des différents conseils dans les 3 versants, notre avis est uniquement consultatif. Cela ne nous permet pas d’être véritablement écoutés. De la même manière, nous sommes face à un ministre qui refuse les négociations, même lors des préavis de grève.

Un chantier sur les carrières et des rémunérations sera lancé en 2023. Qu’en attendez-vous ? Quelles sont revendications à ce propos ?
Nous demandons des négociations immédiates sur les grilles salariales et c’est refusé. On attendra donc 2023 pour remettre le sujet sur le tapis. C’est un sujet qui, pourtant, répond véritablement aux attentes des agents. Il est aussi urgent d’avoir une reconnaissance des qualifications des agents de catégorie C qui démarrent avec des salaires inférieurs au Smic quand celui-ci augmente. De la même manière, les agents de catégorie A peuvent débuter leur carrière à une rémunération 11 % supérieure au Smic. Il y a un vrai problème de reconnaissance des qualifications.

Le gouvernement souhaite mettre en place des accélérateurs de carrière et développer la rémunération au mérite. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Nous y sommes défavorables. On le voit, ce système de primes a déjà un impact négatif sur les écarts salariaux entre les femmes et les hommes. C’est dans les métiers fortement féminisés que les primes sont les plus faibles. Nous avons davantage besoin de salaires assis sur des qualifications. Quant aux primes, elles prennent aujourd’hui des parts de plus en plus importantes dans les rémunérations des agents publics, or elles ne sont jamais pérennes et peuvent même créer des discriminations et des inégalités.

Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a fait de l’attractivité l’une de ses priorités. Ce renforcement de l’attractivité de la fonction publique passe-t-il nécessairement par la rémunération ? Ou par quoi d’autre ?
L’attractivité passe par la rémunération, mais aussi par l’emploi. Dans de nombreuses professions, les conditions de travail se sont dégradées. Les effectifs réduits ne permettent pas à bon nombre d’agents d’exercer leur profession dans de bonnes conditions. Il faut aussi revoir les missions face à une véritable perte de sens mise en avant par les agents publics. L’attractivité passe également par la possibilité pour les agents, qui en sont les principaux acteurs, de peser sur certains choix et de faire en sorte que cette fonction publique réponde à des besoins.

Pour délivrer un service public de qualité, nous avons besoin de professionnels sous statut avec une certaine stabilité.

Quel regard portez-vous sur l’accroissement de la place prise par les contractuels dans la fonction publique ? Faut-il davantage réguler le recours aux contractuels ?
Nous y sommes également défavorables et souhaitons un nouveau plan de titularisation pour les contractuels dont les postes sont pérennes. Nous avons besoin de ces agents, rien ne justifie qu’ils soient dans une situation de précarité, ils doivent bénéficier des mêmes droits que les fonctionnaires. Pour délivrer un service public de qualité, nous avons besoin de professionnels sous statut avec une certaine stabilité.

Quelles sont vos propositions s’agissant de l’égalité professionnelle hommes-femmes dans la fonction publique ?
Le rapport sur l’état de la fonction publique, publié il y a quelques semaines, montre que les écarts salariaux se réduisent mais très légèrement, ce qui signifie que, clairement, les outils mis en place ne sont pas suffisants pour supprimer ces écarts. Pour nous, il est indispensable de revaloriser les grilles des filières à prédominance féminine. Ce n’est que comme cela que nous réussirons à réduire l’écart. Nous sommes également en dessous de tout sur les obligations envers les employeurs en matière d’égalité professionnelle. Sans contrainte stricte, nous n’arriverons pas à réduire les écarts.

Quel bilan tirez-vous du recours au télétravail dans la fonction publique, accentué durant la crise sanitaire et développé depuis ? Et quelles pistes voyez-vous pour la suite ? 
Il est impératif que le télétravail reste un choix et ne soit pas pénalisant non plus pour l’agent qui télétravaille. Nous nous sommes aperçus que dans la plupart des situations, c’est l’employeur qui ne souhaite pas que les personnels télétravaillent. Les agents, eux, sont plutôt d’accord à condition que cela se fasse sur la base du volontariat, pas à temps plein et que tous les frais impliqués soient assumés par l’employeur.

Propos recueillis par Marie Malaterre

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Club des acteurs publics

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