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Pour peser dans le débat énergétique, les collectivités proposent leur propre stratégie bas carbone

Alors que les grandes lois nationales en la matière sont en préparation, les collectivités veulent s’imposer comme des acteurs clés de la transition énergétique. Leurs associations représentatives viennent de présenter leurs travaux à Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique, après avoir rencontré la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.

Image d’illustration générée par Midjourney

“Les collectivités sont un acteur central, et non satellite, en matière de transition énergétique. Notre scénario bas carbone est une manière de nous responsabiliser et de nous engager.” Avec d’autres associations de collectivités représentatives de l’ensemble des territoires, Nicolas Garnier, directeur général d’Amorce, a participé à l’élaboration d’une version territoriale de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). 

Vendredi 20 octobre, Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique, a reçu les représentants de plusieurs associations de collectivités – Intercommunalités de France, Amorce, ANPP-Territoires de projet, France urbaine et Villes de France – pour écouter les conclusions de leurs travaux. La semaine précédente, c’est à la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, que les acteurs ont présenté leur “scénario PPE des territoires”.

Les collectivités ne sont pas les premières à construire leur propre stratégie pour atteindre la neutralité carbone en 2050. À l’image de RTE, de l’ONG NégaWatt ou encore de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), elles ont voulu peser dans la balance. “Nous nous sommes rendu compte que l’un des gros acteurs qui n’avait pas encore établi sa propre histoire, c’étaient les territoires, alors que c’est ici même que se jouera la transition énergétique”, relate Nicolas Garnier.

Une voix “indépendante”

Cela fait plusieurs mois que les collectivités réfléchissent sérieusement à la question de l’énergie. Les économies d’énergie ont marqué l’hiver, tandis que la rénovation des bâtiments est devenue une politique centrale. Par ailleurs, les collectivités ont été missionnées, dans le cadre de la loi EnR (“relative à l'accélération de la production d’énergies renouvelables”), pour identifier les zones de leur territoire où pourrait potentiellement être installée une production d’énergies renouvelables.

“Depuis un certain temps beaucoup de travaux sont établis « en concertation avec les territoires », mais dans les faits, nous ne sommes pas si écoutés que ça, regrette Philippe Angotti, délégué adjoint de France urbaine. Il était important pour nous que les collectivités puissent contribuer concrètement aux travaux en cours en matière de planification écologique, en exprimant une voix locale, décentralisée, indépendamment des travaux fait au niveau national.”

Divergences avec l’exécutif

Leurs propositions correspondent en partie aux ambitions avancées jusqu’ici par le gouvernement. Les collectivités s’engagent à réduire de 30 % la consommation finale, mais avec un mix énergétique “privilégiant sans ambiguïté le développement des énergies renouvelables et de récupération locales et décarbonées, notamment sous forme de chaleur renouvelable, plutôt qu’un recours excessif, et donc risqué sur le plan économique et écologique, à l’électrification des usages”. Cela passe par plusieurs mesures phares, comme la suppression des aides aux énergies fossiles, l’affectation d’une partie des recettes de la fiscalité énergétique aux collectivités locales mettant en œuvre la transition énergétique ou encore le rétablissement de la TVA à 5,5 % sur les transports en commun et la création d’une carte nationale de transports en commun et de modes de transport doux.

Certaines divergences demeurent, comme la question du nucléaire, énergie centrale dans la politique gouvernementale en la matière. “Le gouvernement veut mettre un gros coup d’accélérateur sur le nucléaire, tandis qu’on plaide davantage pour la sobriété”, relate Philippe Angotti. “Il faut faire attention à une telle PPE de facilité, ce n’est pas la réponse. La solution nucléaire a des qualités, mais a aussi des défauts, en particulier parce qu’elle repose largement sur des ressources importées de l’étranger”, analyse de son côté Nicolas Garnier, qui regrette que les solutions avancées par le gouvernement visent davantage à conserver les consommations actuelles qu’à repenser le système.

L’important, pour les associations de collectivités, est de hiérarchiser les enjeux. En matière de transition énergétique, elles plaident pour que la première priorité soit donc la sobriété, à travers un changement des comportements, l’énergie la moins carbonée étant celle qu’on ne consomme pas. La deuxième est l’efficacité, la troisième est le déploiement des énergies renouvelables, et l’électricité décarbonée par le nucléaire vient seulement en quatrième position des priorités affichées. “Celle-ci doit être une solution une fois que toutes les autres ont été activées, alors qu’aujourd’hui, on a l’impression que l’exécutif met tout sur un pied d’égalité”, poursuit le directeur général d’Amorce.

Des propositions “reçues avec attention”

Malgré ces divergences, selon les représentants des associations présents aux réunions ministérielles, ces travaux issus de calculs “extrêmement sophistiqués” ont été reçus avec attention par les membres du gouvernement. “On y a passé deux heures, tous les membres du cabinet ont pris leur calculette”, relate Nicolas Garnier. “Ils ont souhaité vérifier en direct que les hypothèses sur lesquelles nous nous fondions tenaient la route, et c’est visiblement le cas. En tout cas ils ont semblé très intéressés par l‘aspect technique de la démarche”, confirme Philippe Angotti.

Le scénario publié, l’enjeu pour les collectivités est désormais de le faire vivre. “L’idée est de le diffuser autant que possible et de saisir toutes les occasions pour y faire référence, tant avec les acteurs territoriaux de notre réseau qu’avec nos interlocuteurs gouvernementaux”, soutient Philippe Angotti. Une réunion doit être programmée très prochainement avec l’ensemble des partenaires pour qu’ils se coordonnent et établissent une stratégie en la matière.

L’objectif est également législatif : “Nous allons ensuite présenter ce scénario aux parlementaires, afin qu’ils se l’approprient en vue du débat autour de la loi de programmation Énergie-Climat”, indique Nicolas Garnier. Mais encore faut-il que ce débat ait lieu, ce qui n’est pas garanti à ce stade. Pour le directeur général d’Amorce, le débat au Parlement est pourtant fondamental afin que chacun prenne ses responsabilités. “Le risque est de tomber dans le populisme en matière d’énergie, ajoute Nicolas Garnier. Il faut se battre contre une vision mortifère, qui aboutirait à un réchauffement climatique dont on ne connaît même pas l’ampleur des conséquences à venir.”

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Club des acteurs publics

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