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Valérie Pécresse : “La réforme de l’État doit être portée à son sommet”

Dans cet entretien exclusif pour Acteurs publics, la candidate LR détaille ses propositions et ses analyses en matière de réforme de l’État et de l’action publique : division du poids des normes, pouvoir local de dérogation, choc de décentralisation, abrogation des décrets touchant l’encadrement supérieur de la fonction publique, règle d’or budgétaire... Des questionnements réalisés en partenariat avec le Cercle de la réforme de l’État. 

Quelle devrait être pour vous la place de la puissance publique par rapport aux autres acteurs dans la société ?   
Dans le projet de “nouvelle France” que je porte, l’État sera de nouveau fort sur son socle de compétences régaliennes, qu’il n’arrive plus à assumer aujourd’hui. Il faut revenir aux fondamentaux pour que le triptyque de services publics “protéger, éduquer, soigner” soit offert à tous les Français. Fin des zones de non-droit, fin des inégalités scolaires, fin des déserts médicaux. Au-delà de son cœur de compétence, l’État devra redonner corps à la promesse républicaine pour tous les territoires et tous les citoyens. Le rôle de la puissance publique est de venir au soutien de celles et ceux qui en ont le plus besoin, qu’il s’agisse de la France rurale, trop souvent délaissée ces dernières années, de nos aînés, dont la dépendance représente un défi majeur, ou encore de tant de jeunes dont l’entrée sur le marché du travail a été empêchée par la crise sanitaire.

La crise sanitaire a renforcé l’État comme acteur central de la puissance publique. Pour vous, est-ce une parenthèse ou en ferez-vous un axe durable ?
La crise a surtout mis en évidence l’hypercentralisation et la bureaucratisation de notre État. Je souhaite que l’État lâche prise, qu’il délègue davantage de compétences concrètes pour la vie de nos concitoyens aux acteurs de proximité que sont les collectivités locales, qu’il desserre son étreinte sur les entreprises et sur les particuliers pour libérer les énergies et la créativité françaises.

Je souhaite qu’un ministre de la Réforme des services publics et de la Simplification soit directement placé auprès du Premier ministre, avec une administration qui lui soit propre.

Pour vous, que devrait être la réforme de l’État ? Parmi les réformes souhaitables dans l’État, lesquelles mèneriez-vous en priorité au cours des cinq prochaines années ?
C’est une réforme des services publics au sens large que je conduirai car on ne peut pas se contenter de raisonner sur le seul périmètre de l’État lorsque la Sécurité sociale et les collectivités locales représentent respectivement 46 % et 19 % de la dépense publique. Je lancerai en priorité un chantier essentiel, qui visera à diviser par deux le poids des normes en s’attaquant aux codes juridiques les plus touffus. Un deuxième chantier portera sur la rationalisation drastique des satellites de l’État (opérateurs, agences, commissions) qui dispersent l’action publique et diluent ses moyens, on l’a bien vu dans la gestion de la crise sanitaire : leur nombre sera réduit d’un tiers en cinq ans. Je demanderai au Parlement le vote d’une grande loi de décentralisation pour mettre fin aux doublons (État-collectivités et collectivités entre elles) et rapprocher du terrain les compétences qui doivent l’être, notamment l’emploi dans les territoires, l’apprentissage et la formation professionnelle.

Comment feriez-vous pour concevoir les réformes à réaliser dans l’État (recours à des experts, “comitologie”, consultation citoyenne, consultation des agents publics…) ? 
La réforme de l’État doit être portée à son sommet. Je souhaite qu’un ministre de la Réforme des services publics et de la Simplification soit directement placé auprès du Premier ministre, avec une administration qui lui soit propre. Il faudra aussi associer de près à la démarche de simplification les parties prenantes que sont les citoyens, les entreprises, le Parlement, les partenaires sociaux et les corps intermédiaires. Le “Comité de la hache” auquel je donnerai mandat de simplifier notre système juridique, sera composé de juristes, de parlementaires et de personnalités issues des différentes sphères de la société civile. 

De façon plus générale, je veux que les citoyens aient leur mot à dire sur la conduite des affaires publiques. C’est pourquoi je faciliterai le recours au référendum d’initiative populaire, qui est aujourd’hui une pure fiction juridique puisqu’il est d’initiative parlementaire et qu’il lui faut recueillir près de 5 millions de signatures ! Pour mettre en œuvre ces réformes, je m’appuierai bien davantage sur les forces vives des corps d’inspection, en revenant sur leur suppression décidée par Monsieur Macron. Pour ce qui est des politiques publiques partagées avec les collectivités territoriales, je tiendrai des conférences très régulières avec les présidents de région et, une fois l’an, avec les présidents de département. Je maintiendrai un contact personnel avec l’Association des maires de France et participerai à leur congrès. La réforme mobilisera aussi les préfets, qui sont les représentants légitimes de l’État dans les territoires, en métropole et en outre-mer.

Je veux un vrai choc de décentralisation, une loi très ambitieuse de refondation des libertés locales, pour redonner confiance aux territoires et simplifier.

À quelles attentes actuelles des citoyens l’État doit-il répondre prioritairement ? 
J’ai fondé un mouvement qui s’appelle Libres ! Car je ne crois pas que ce soit à l’État d’apporter des réponses toutes faites aux citoyens, dans tous les domaines. Il doit créer les conditions leur permettant de prendre en main leur destin, de décider eux-mêmes de leur vie. L’État doit permettre au citoyen de construire ensuite son propre itinéraire. Il doit le protéger des menaces, externes autant qu’intérieures. Il doit garantir l’accès à la santé, à l’éducation, et avec elle à la culture, et la capacité d’exercer sa citoyenneté.
Nos concitoyens veulent un État plus efficace, moins dispendieux, plus facile d’accès et plus moderne. Nous sommes encore loin d’avoir tiré toutes les conséquences des possibilités offertes par le numérique dans l’organisation de l’État et dans ses relations avec les citoyens. Ce sera une dimension prioritaire de la réforme des services publics, avec un double souci : simplifier drastiquement et garantir, toujours, une présence humaine et des interlocuteurs de proximité.

Que feriez-vous pour que l’État soit à même de conduire les grandes transitions ?
Sur ses fonctions régaliennes, je n’ai pas peur de dire qu’il faut que l’État se redonne les moyens d’être fort. Je pense en particulier à l’équipement de nos forces de l’ordre, à l’état de délabrement des tribunaux, au retard généralisé des administrations en matière numérique, au sous-équipement de nombreuses préfectures… La crise du Covid a révélé l’ampleur de ce retard en même temps que l’extrême dévouement des agents publics. Le pendant de la réduction du nombre d’agents publics, c’est l’investissement pour remettre à niveau l’État là où on a vraiment besoin de lui.

Comment ferez-vous pour concilier l’aspiration à la différenciation territoriale et l’impératif d’égalité et d’équité ? 
La différenciation territoriale est aujourd’hui une priorité ! Malgré son nom, la loi 3DS est extrêmement timide en la matière. La crise sanitaire nous a enseigné que les réponses aux problèmes concrets n’étaient pas dans un État hypercentralisé et méprisant, mais dans la diversité des territoires, dans la proximité, en donnant aux élus les outils pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Je veux en particulier instaurer un pouvoir local de dérogation et d’adaptation des normes réglementaires nationales, pour permettre une vraie différenciation des compétences et pour pouvoir pérenniser des expérimentations pour les seules collectivités qui le souhaitent. Cela suppose de modifier la Constitution. Si l’État est garant de la solidarité nationale et doit le rester, l’égalité n’est pas l’uniformité. L’État doit passer à une pratique de confiance envers les élus, qui font vivre ce que j’appelle l’ingéniosité territoriale, que l’on voit à l’œuvre tous les jours, pour trouver des solutions concrètes.

C’est une grave erreur du gouvernement d’avoir supprimé le corps préfectoral.

Comment faut-il, selon vous, réarticuler les politiques territoriales ? Y a-t-il lieu de modifier les compétences ? Si oui, dans quels domaines, selon quels principes de décentralisation ?
J’ai décrit la façon dont l’État devait se recentrer pour être meilleur là où son intervention est nécessaire. L’un des corollaires de ce principe est de renforcer les responsabilités des élus pour leur donner de nouvelles capacités d’agir au service du développement de leur territoire. Ce puissant mouvement de décentralisation que je veux accomplir vise à améliorer les conditions de vie des Français, par une action publique plus proche, plus adaptée aux réalités locales, dont on peut juger plus les résultats, avec des services publics plus efficaces, en simplifiant et en supprimant les doublons entre les services de l’État et les collectivités. Ce faisant, décentraliser, c’est aussi répondre à la crise démocratique, en donnant plus de légitimité à l’action des élus dans la vie quotidienne des Français.
Le département doit être conforté comme collectivité de proximité, en étant chef de file de l’accès aux services essentiels de proximité publics comme privés, en particulier en matière d’implantation des professionnels de santé. Il doit aussi recevoir une tutelle complète sur l’ensemble du secteur médico-social, ainsi que la gestion de la médecine scolaire, par cohérence avec sa mission de protection maternelle et infantile, et de la prévention en matière de santé. La région, quant à elle, doit être renforcée dans le triptyque formation, emploi et économie, avec une entière compétence sur la politique de la formation professionnelle et un bloc cohérent de responsabilités en matière d’emploi sur son territoire, comme le Sénat a essayé, en vain, de le faire adopter dans la loi 3DS. Il faut également transférer à la région la politique d’orientation scolaire. Sur son territoire, la région doit aussi être l’autorité stratégique en matière de santé, par l’intermédiaire de l’agence régionale de santé.
Je veux donc un vrai choc de décentralisation, une loi très ambitieuse de refondation des libertés locales, pour redonner confiance aux territoires et simplifier. Et bien sûr, la commune doit être consolidée comme la seule collectivité à compétence générale, avec davantage de liberté au sein des intercommunalités, qui doivent être des intercommunalités de projet et non de nouvelles bureaucraties imposées. Cela suppose aussi de mettre enfin en place les outils d’aide à l’ingénierie territoriale promis depuis longtemps.

Pour ce qui concerne les services de l’État lui-même, apporteriez-vous des changements aux caractéristiques actuelles de la déconcentration ? Aux relations entre autorités déconcentrées et collectivités territoriales ? À la liaison avec les territoires, aux modes de relations et de fonctionnement entre État et territoires ? 
Il faut repenser les relations entre l’État et les territoires, qui ont été abîmées au cours des dix dernières années par une gestion trop verticale et des réformes trop souvent imposées d’en haut : nouvelle carte des régions, marche forcée vers des intercommunalités toujours plus grosses, déséquilibre des territoires au profit des métropoles, suppression sans réflexion de la taxe d’habitation, décision non concertée des 80 km/h, protocoles sanitaires multiples pour le système scolaire, reprise en main par l’État de compétences déjà transférées… La logique de partenariat doit demain prévaloir, ce qui suppose aussi une vraie déconcentration, redonnant des moyens d’agir à l’État au niveau départemental et donnant au préfet davantage de pouvoir de décision et d’autonomie de gestion.

Il faut armer nos territoires pour qu’ils soient plus résilients face aux différentes crises

Que feriez-vous pour améliorer la capacité d’anticipation et de prospective de l’État pour prévenir les crises sociales, sanitaires et écologiques notamment, et y faire face ?
Au-delà du renforcement des capacités nationales de pilotage et d’anticipation, il faut armer nos territoires pour qu’ils soient plus résilients face aux différentes crises. Les intercommunalités, par exemple, sont le bon niveau pour faire vivre la transition écologique, avec la mise en place de bornes de rechargement de véhicules électriques et de stations et véhicules d’autopartage, ou encore dans la mise en place de filières de tri et de recyclage des déchets. Plus largement, décentraliser, c’est aussi donner aux collectivités de meilleures capacités pour faire face à ces crises, en ayant les compétences pour agir, en matière de santé pour les régions par exemple. La résilience des territoires est aussi une responsabilité partagée entre les élus et les préfets, comme nous l’avons vu avec la crise sanitaire. C’est aussi pour cette raison que je veux rétablir le corps préfectoral. C’est une grave erreur du gouvernement de l’avoir supprimé, car nous avons besoin de préfets expérimentés, capables de réagir et de faire face à des crises de toutes sortes, mais aussi volontaires pour conduire des projets avec les élus. Ce savoir-faire irremplaçable et cette expérience ne s’acquièrent qu’avec le temps. Les préfets doivent avoir autorité sur l’ensemble des services de l’État.

Que ferez-vous pour assurer la proximité des services publics pour leurs usagers, et dans leur diversité ?
La meilleure réponse à l’éloignement des services publics est de redonner du pouvoir aux décideurs locaux. C’est tout le sens de la grande réforme de décentralisation que je propose, avec une faculté pour chaque territoire de se différencier en fonction des besoins des populations locales.

Peut-on produire la norme différemment : le triptyque gouvernement-Conseil d’État-Parlement fonctionne-t-il correctement ? 
La démocratie exige un vrai débat entre le gouvernement et le Parlement : la restauration de ce dernier sera un trait caractéristique de ma façon de gouverner. On ne peut pas continuer à voir les assemblées passer des heures à examiner des amendements de détail. Je proposerai à cet effet la création d’une “Commission articles 34/37” au sein du Parlement. Elle serait chargée de faire respecter la lettre de la Constitution de 1958 : la loi fixe les grands principes et seulement les grands principes, le règlement fixe les modalités d’application en laissant de la souplesse aux acteurs locaux. Fondamentalement, ce qui manque le plus aujourd’hui pour produire une norme efficace repose sur ces deux dimensions : d’une part, réaliser des études d’impact, une analyse de l’existant qui permette de “faire le ménage” des normes existantes à l’occasion de l’édiction de nouvelles normes et, d’autre part, prendre en compte l’attente de la cible visée par la norme. Si nous légiférons dans un domaine qui concerne les entreprises, il faut les impliquer dans la construction de la norme beaucoup plus que l’État ne le fait aujourd’hui. C’est vrai aussi pour les citoyens ! Voilà pourquoi je veux donner sa pleine dimension au référendum d’initiative populaire.

La numérisation des services publics doit être poursuivie

Face à une société et des entreprises qui réclament autant de la norme qu’elles la rejettent, que feriez-vous pour la simplification et pour qu’elle ne demeure pas ponctuelle ? 
Comme je l’ai indiqué, je placerai au sein du gouvernement, auprès du Premier ministre, un ministre en charge de la réforme des services publics et de la simplification. C’est le bon niveau pour agir dans la durée. Ce ministre devra être à l’écoute des corps intermédiaires, des représentants des usagers, des entreprises, des collectivités territoriales.

Doit-on aller plus loin dans la numérisation des services publics ? Faut-il donner la priorité à l’humanisation et comment ? 
Bien entendu ! La numérisation des services publics doit être poursuivie. Elle est encore très insuffisante dans les domaines de la sécurité, de la justice, mais aussi de l’éducation et du social. Dans le domaine de l’éducation, par exemple, il y a beaucoup trop de demandes redondantes faites aux parents d’élèves, chaque année, alors que la dématérialisation doit permettre de faciliter ces traitements. Et pourquoi continuer à utiliser un carnet de liaison papier alors que l’on multiplie les outils numériques ? Mais l’urgence, c’est d’abord de rendre accessibles les services publics à tous. Pour cela, il faut, d’une part, maintenir des accueils physiques avec des permanences des différents services publics et, d’autre part, permettre à chacun de bénéficier d’une assistance à distance (centre d’appels, chat sur le site Internet, téléphone…) lorsque l’usager rencontre un problème. Il n’est plus possible de laisser les usagers errer de service en service sans obtenir une réponse, et la bonne réponse.

La décision publique est de plus en plus contestée et incomprise. Que ferez-vous pour inverser la tendance ?
Il me semble que c’est surtout son efficacité qui est remise en cause. Publier des engagements de résultats, rendre des comptes une fois par an devant le Parlement de l’état d’avancement des décisions prises, c’est une démarche saine et qui s’est malheureusement perdue : le Parlement n’a jamais été autant abaissé que durant le quinquennat du Président sortant, qui a gouverné par ordonnances.

Faut-il revoir le temps de travail des agents publics ? 
La question essentielle n’est pas tant la durée du travail que la façon dont il est employé. Aujourd’hui, trop d’agents publics sont affectés à des missions dont ils ne voient pas le sens, ou qui pourraient être remplies par d’autres acteurs, trop d’agents de l’administration centrale de l’État exercent des missions en “doublon” d’opérateurs externes, trop peu d’agents peuvent utiliser des moyens numériques modernes et perdent ainsi un temps considérable sur des tâches aisément dématérialisables : que l’on pense à la manière dont les plaintes sont prises en compte dans les commissariats de police ! Les fonctionnaires ont un dévouement remarquable, mais sont malheureux de recevoir ordres et contrordres. Ma volonté est de les entraîner, pas de les abaisser.

Je ne remettrai pas en cause le statut de la fonction publique

Les syndicats ont perdu beaucoup de leur influence. Le dialogue social doit-il entrer dans une relation essentiellement directe entre employeurs et agents publics ? 
Non. Je déplore la façon dont, en droite ligne du mépris affiché des corps intermédiaires, le pouvoir actuel n’a eu de cesse d’appauvrir le dialogue social. Affaiblir sciemment les organisations syndicales, mépriser les partenaires sociaux entraîne toujours un retour de bâton inévitable. Et ce n’est certainement pas la mise sur pied de conventions dites “citoyennes”, composées de façon totalement opaque, qui a permis de crédibiliser les politiques conduites.

Voulez-vous modifier l’équilibre actuel entre fonctionnaires et contractuels ? Quantitativement ? Quant aux responsabilités ? Quant aux expertises ? Dans quels domaines ? La dualisation de la fonction publique (statut-contrat) constitue-t-elle un modèle probant sur le long terme ou induit-elle un modèle à plusieurs vitesses ? 
Je veux être très claire : je ne remettrai pas en cause le statut de la fonction publique. Il constitue une protection pour les citoyens et les agents qui la servent doivent pouvoir exercer leurs missions sans pressions politiques ou financières. Je ne m’interdis pas toutefois de lancer une réflexion sur la situation particulière au sein de la fonction publique territoriale qui, de par les missions assurées par les collectivités locales, peut justifier davantage de souplesse dans la gestion des ressources humaines.

Je veux redonner de la fierté aux hauts fonctionnaires

Quels seront vos axes majeurs pour améliorer la confiance entre l’État employeur et ses agents et que ferez-vous concrètement ? 
Le maintien d’un statut pour la fonction publique de l’État est pour moi une première marque de confiance. Mais il faut modifier en profondeur son fonctionnement pour faire respirer le service public : davantage de déconcentration, de liberté laissée aux échelons locaux de l’État, des grilles de rémunérations revisitées et laissant davantage de place au mérite et à l’engagement qu’il soit individuel ou collectif, faciliter les mobilités, encourager les passerelles entre les trois fonctions publiques par la suppression d’obstacles administratifs encore nombreux, les chantiers sont légion. Ils seront conduits de façon transparente, dans le cadre d’un nouveau dialogue social, ce qui changera des méthodes brutales du Président sortant.

Sur le sujet de la réforme de la haute fonction publique qui a été engagée, quelles seront vos orientations et les étapes que vous voudrez franchir rapidement ? Plus globalement, que ferez-vous en matière de gestion des ressources humaines pour la haute fonction publique ?
L’État a besoin d’une haute fonction publique de métier. Le service de l’État est exigeant et ne se prête pas à l’amateurisme ou à l’à-peu-près. C’est l’intérêt de la mission et le goût des responsabilités qui motive les cadres dirigeants publics. Nous devons organiser le recrutement, la formation et les déroulements de carrière pour permettre à tous les talents d’émerger dans la haute fonction publique. Là encore, mes choix sont clairs : dès ma prise de fonctions, je demanderai au gouvernement d’abroger l’ensemble des décrets touchant l’encadrement supérieur de la fonction publique. Les suppressions du corps préfectoral, du corps diplomatique, des grandes inspections générales, opérées sous couvert d’une ordonnance, sans aucun débat avec le Parlement, ont montré – singulièrement de la part de la ministre de la Fonction publique – un mépris des élus comme des fonctionnaires qui croient au service de l’État. Elles portent en germe la déperdition des talents, la prime à l’inexpérience et surtout un risque majeur de soumission totale de milliers de fonctionnaires à un spoils system totalement étranger à mes convictions et à notre tradition politique. Je veux redonner de la fierté aux hauts fonctionnaires injustement accusés par ce pouvoir et restaurer l’attractivité de métiers essentiels au service public et au fonctionnement de notre État. 

Je ne m’interdis pas de lancer une réflexion sur la situation particulière au sein de la fonction publique territoriale qui, de par les missions assurées par les collectivités locales, peut justifier davantage de souplesse dans la gestion des ressources humaines.

Quelles mesures prendrez-vous pour redresser l’attractivité des trois fonctions publiques ?
Les fonctions publiques souffrent d’un manque de connaissance par nos concitoyens du travail réel effectué par leurs agents. Je sais qu’elles souffrent de présentations caricaturales qui peuvent rebuter nos plus brillants étudiants. Restaurer l’attractivité, c’est offrir de la visibilité, des perspectives de déroulement de carrière ; c’est aussi faciliter les mobilités, qu’elles soient internes ou externes ; c’est bien sûr offrir des rémunérations qui ne soient pas en décalage trop important avec les salaires du secteur privé ; c’est encore mieux tenir compte des préoccupations des femmes ; c’est permettre aux jeunes des territoires ruraux et ultramarins d’accéder à des préparations de qualité ; c’est également offrir aux agents publics des conditions matérielles d’exercice des missions qui soient modernisées, avec des équipements à la hauteur. C’est enfin redonner tout son sens au service public, à la noblesse des tâches qui y sont effectuées et sortir de cette vision très « macroniste » de réduction de l’être humain à un simple homo economicus. 

Compte tenu des contraintes budgétaires des prochaines années, dans quel cadrage budgétaire inscririez-vous le rôle de l’État et sa réforme ? 
Le récent rapport de la Cour des comptes est sans appel : après les deux quinquennats Hollande-Macron, la situation de la France est devenue comparable à celles des pays du Sud quand on regarde les finances publiques. C’est extrêmement préoccupant et j’ai fait du redressement de nos finances publiques une dimension essentielle de mon projet, avec un principe simple : je ferai deux fois plus d’économies que de dépenses nouvelles. 
Dès ma prise de fonctions, je lancerai une Opération vérité, un audit de fond de la situation de nos finances publiques. 

Comment jugez-vous le niveau actuel de la dépense publique par rapport au PIB ? 
Avec 56 % du PIB, la dépense publique française est la deuxième plus élevée de l’OCDE. Cette dépense a naturellement pour contrepartie aussi le deuxième taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’OCDE. Cela étouffe notre économie et la gestion du Président sortant, qui a dépensé durant les premières années de son quinquennat au même rythme que le Président Hollande, n’a malheureusement fait qu’accentuer l’addiction française à l’argent public. 

Je ferai deux fois plus d’économies que de dépenses nouvelles.

Que prévoyez-vous pour la gestion de l’endettement de l’État ?
Si la France veut rester souveraine, il faut ramener la dette publique dans le sillage des autres pays de la zone euro. Le risque provient de ce que notre endettement public est allé croissant sur les dix dernières années alors que nos voisins européens faisaient des efforts… Le désendettement est une priorité et je ne vois qu’une façon de restaurer la crédibilité de la France en matière de finances publiques : c’est d’inscrire dans la Constitution une règle d’or budgétaire équivalente à celle que j’avais présentée au Parlement en juillet 2011, mais qui avait été bloquée par l’opposition de gauche au Sénat. Le principe est simple, cette règle imposera que les lois de finances annuelles et les lois de financement de la Sécurité sociale soient conformes à la loi de programmation pluriannuelle définie en début de mandat. Cela concernera tout le champ des administrations publiques et le Conseil constitutionnel veillera à son respect.

Qu’est pour vous la performance publique ? Modifieriez-vous la manière dont elle est appréhendée et mesurée dans la procédure budgétaire et dont les administrations doivent en rendre compte (programmes et rapports annuels de performance) ? La mesure de la performance doit-elle être budgétaire ou centrée sur l’usager ?
Le principal problème de nos lois de finances aujourd’hui, c’est qu’elles ne respectent jamais les lois de programmation pluriannuelles. Il ne s’agit donc pas d’un souci d’indicateurs, mais plutôt d’un problème de stratégie : nous sommes incapables de nous fixer une stratégie de finances publiques et de nous y tenir, la procédure budgétaire échoue au principal objectif qui lui est assigné. C’est d’abord à cette défaillance fondamentale que je veux remédier : si la règle d’or que je propose avait été adoptée en 2011, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

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Club des acteurs publics

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