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Victor Poirier : “Aucun programme ne prévoit des financements à la hauteur”

L’Institut Montaigne a étudié les programmes des principaux candidats à la présidentielle. Son constat, formulé par le directeur des publications pour Acteurs publics : les projections financières des 5 principaux postulants sont irréalistes. Si la candidate ou le candidat élu ne met pas en place des mesures d’économies, la situation des finances publiques continuera à se dégrader, “à un degré moindre si c’est un candidat de droite ou de centre droit qui remporte l’élection, à un degré plus important si c’est un candidat d’extrême gauche ou d’extrême droite”. 

Vous avez étudié le chiffrage des programmes des 5 principaux candidats. Qu’analysez-vous ? 
Deux phénomènes s’observent. D’abord, aucun programme ne prévoit des financements à la hauteur des mesures proposées. Ensuite, les estimations des candidats sont assez lointaines des nôtres, pour les 5 programmes que nous avons étudiés précisément. On distingue 2 groupes : 2 programmes ne permettent pas d’améliorer les finances publiques, ceux d’Emmanuel Macron et de Valérie Pécresse. Et 3 programmes mettent plus sérieusement en danger la soutenabilité de la dette française : ceux de Marine Le Pen, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon. 

N’est-ce pas une constante, pour une campagne présidentielle, que de voir se multiplier les promesses non ou mal chiffrées ? 
Chaque élection présidentielle voit, en effet, des candidats ne tenant pas tout à fait compte de la réalité des chiffres. Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur de cette tendance, avec des dépenses et baisses d’impôts prévues par les candidats beaucoup plus importantes que lors des précédentes élections. Et nous l’observons pour tous les programmes étudiés. Cela alors que les candidats ont tous fait, cette année, un exercice de “bouclage” budgétaire : chacun a estimé que ses propositions allaient dégager autant de dépenses que de recettes. Il y a donc un fort décalage entre chiffrages des programmes et réalité. 

C’est alarmant : une grande partie des programmes ne pourra pas être développée.

Par ailleurs, l’inflation galopante liée au contexte international ne rend-elle pas caduques les prévisions d’aujourd’hui ? 
Pour mener notre travail, nous avons fait une prévision d’inflation de 1,75 %, mais ces projections ont été réalisées avant la guerre en Ukraine. Certaines mesures se révéleront donc plus coûteuses que prévu, par exemple l’indexation des pensions de retraites sur l’inflation, même si personne ne peut aujourd’hui savoir pendant combien de temps l’inflation augmentera fortement. Il peut aussi y avoir des effets plus positifs sur le remboursement de la dette. Au-delà, la question est celle du besoin de financement dans la mise en œuvre à venir d’un programme. Et c’est alarmant : une grande partie des programmes ne pourra pas être développée. Par ailleurs, nous nous sommes arrêtés aux mesures promises, sans évaluer les conséquences de l’élection sur l’activité économique. Mais il est certain que si Marine Le Pen, Éric Zemmour ou Jean-Luc Mélenchon venaient à être élus, il y aurait un impact sur l’image et l’attractivité de notre pays, et donc sur la croissance – ce que nous n’avons pas modélisé. 

Le “quoi qu’il en coûte” n’a-t-il pas changé la perception des choses en matière budgétaire ? Des sommes phénoménales ont été engagées depuis deux ans sans conséquence en matière de fiscalité. La question budgétaire n’est pas ou peu évoquée dans cette campagne. L’idée de “l’argent magique” est là… 
Le contexte global, sanitaire et international, a eu un impact considérable sur la campagne, avec une forme de nécessité, pour certains candidats qui souhaitent se faire entendre, de formuler des promesses toujours plus coûteuses. Le “quoi qu’il en coûte” a permis de maintenir des entreprises, des emplois, le pouvoir d’achat. Mais cela nous a aussi mis dans une situation préoccupante en matière de dépense publique. La guerre en Ukraine est par ailleurs aussi source de renchérissement des prix de l’énergie, l’une des principales dépenses contraintes des Français, et représente donc un nouveau risque pour le pouvoir d’achat. Les mesures prises pour en limiter l’impact sur le portefeuille des Français sont certainement indispensables, mais elles représentent un coût important pour nos finances. La crise écologique devra aussi être combattue, cela aura un coût… Les réponses aux crises sanitaire, géopolitique et écologique ont un impact fort ; cela doit amener à trouver des solutions nouvelles. Et les solutions proposées par les candidats sont coûteuses… 

Un tour de vis budgétaire sera donc nécessaire après les élections ? Dès le projet de loi de finances pour 2023 ? 
Je ne suis pas sûr qu’il se matérialisera dès le projet de budget 2023, parce que le contexte est encore très incertain. Mais si la candidate ou le candidat élu ne met pas en place des mesures d’économies, la situation continuera à se dégrader. À un degré moindre si c’est un candidat de droite ou de centre droit qui remporte l’élection, à un degré plus important si c’est un candidat d’extrême gauche ou d’extrême droite.

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Club des acteurs publics

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