LE CLUB DES ACTEURS DE LA PERFORMANCE PUBLIQUE

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Pour répondre aux fortes attentes d’une société en mutation, pour assurer les conditions d’une croissance durable dans un environnement très concurrentiel, pour défendre et adapter un modèle social, socle du pacte républicain et possible rempart contre les conséquences de la crise financière mondiale, les organisations publiques se doivent d’être performantes. Les équipes Secteur Public d'EY ont pour ambition d’accompagner les administrations vers davantage d’efficacité, de performance et de transparence.

7 min

Sondage : les Français enclins à passer au crible la dépense publique

Selon les personnes interrogées par l’Ifop pour Acteurs publics et EY, ce sont surtout les missions de l’État qui doivent être ciblées par les économies, loin devant celles portées par la sphère “santé-social” et par les collectivités locales.

Alors que s’ouvre la période budgétaire et que le tour de vis sur la dépense devrait être confirmé dans le projet de loi de finances 2024, quel est le regard des Français sur nos finances publiques ? Comment imaginent-ils le retour à une certaine rigueur budgétaire ? Avec quelles priorités ? Selon l’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop, l’initiative du gouvernement de lancer au printemps une revue des dépenses, même modeste, visant à revenir à l’équilibre budgétaire est approuvée par 2 Français sur 3 (65 %, dont 19 % l’approuvent “tout à fait”), notamment les sympathisants de Renaissance (97 % d’adhésion), les catégories aisées (77 %), les seniors (75 % parmi les 65 ans et plus) et les cadres (71 %). [lire la tribune de Guéric Jacquet, associé EY-Parthénon en charge du secteur public, et Olivier Bouet, directeur EY Consulting “secteur public”]

Sur la méthode privilégiée, les personnes interrogées citent premier lieu la réduction très importante de certaines dépenses paraissant à leurs yeux “peu utiles” (41 %). Viennent ensuite le lancement d’un programme de transformation publique réduisant les dépenses structurelles (21 %) et la réduction de plus de 10 % de l’ensemble des dépenses publiques – le fameux coup de rabot – (16 %). 

Réduire les aides aux entreprises

Néanmoins, pour plus d’1 Français sur 5, faire des économies n’est tout simplement pas la solution. Parmi eux, 12 % souhaitent limiter le tour de vis afin de préserver les dépenses essentielles tandis que 10 % estiment que l’équilibre budgétaire n’est pas une priorité.

Notons que, pour les Français, dans l’hypothèse d’une réduction des dépenses budgétaires, c’est prioritairement (et nettement) dans les missions portées par l’État (72 %) que des économies doivent être appliquées, puis sur les dépenses accordées aux missions de la sphère “santé-social” (17 %) et enfin dans les missions portées par les collectivités locales (11 %). 

La “règle d’or” moins prisée

Plus d’un tiers des Français estiment qu’il faudrait réduire les aides aux entreprises (37 %), piste de réduction la plus citée devant les dépenses dans la culture (33 %), la défense (23 %) l’environnement (19 %) et les transports en général (16 %). Certains secteurs “fondamentaux” sont épargnés par l’opinion : l’emploi, la sécurité, la justice et enfin l’éducation. Concernant les dépenses publiques d’ordre social et de santé, les Français sont tout d’abord enclins à une réduction des aides financières aux particuliers comme les dépenses d’insertion et le RSA (55 %), les allocations familiales (41 %) et l’assurance chômage (23 %). 

En revanche, alors que l’épidémie de Covid demeure dans les têtes au même titre que les débats houleux sur la réforme des retraites, beaucoup plus rares sont ceux qui proposent des coupes dans les dépenses de santé (seuls 5 % citent par exemple l’hôpital public) ou les retraites (5 %). 

De même dans le secteur des collectivités locales, si la réduction des effectifs est une option largement citée (par 47 % de la population), les Français sont peu enclins à rogner les dépenses liées à l’éducation portées par les communes, les départements ou les régions (seuls 9 % mentionnent cette piste). 

Enfin, le projet de l’inscription dans la constitution de la “règle d’or” prohibant la présentation d’un budget déficitaire devant le Parlement par le gouvernement demeure majoritairement approuvé par les Français (63 %). Un taux toutefois en net recul – de 15 points – par rapport à 2011.

Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop

L’enquête Acteurs publics/EY pour l’Observatoire des politiques publiques réalisée par l’Ifop a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 24 juillet 2023 auprès d’un échantillon de 1 003 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par régions et catégories d’agglomération.


ANALYSE

La revue des dépenses, un nouveau fil rouge pour la transformation publique ? 

Par Guéric Jacquet, associé EY-Parthénon en charge du secteur public,
et Olivier Bouet, directeur EY Consulting “secteur public”

L’année 2023 aura marqué une rupture dans l’approche de la dépense publique post-Covid. En lançant les Assises des finances publiques, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a annoncé que 10 milliards d’euros d’économies potentielles avaient été identifiées par les équipes des inspections et du ministère de l’Économie et des Finances. Une partie sera intégrée au projet de loi de finances pour 2024. Cette démarche utile est un fil conducteur des réformes dans de nombreux pays, notamment anglo-saxons. Pour être efficace, elle doit cependant être pérenne, ouverte, focalisée et orientée sur des résultats.

Une revue des dépenses est d’autant plus efficace qu’elle est pérenne, c’est-à-dire annoncée sur un rythme annuel, donnant lieu à un processus de décision connu pour aboutir à des arbitrages clairs. Cette régularité permet aux administrations de proposer des thèmes de revue de dépenses et aux autorités politiques de préparer les esprits à des revues de politiques publiques. Cela donne enfin un signal de garantie de poursuites de réformes. 

Une revue des dépenses est aussi un outil d’alignement des injonctions contradictoires entre qualité du service public et réduction de la dépense, rôle de l’État et place du secteur privé, attentes des usagers et des élus. Une option est d’engager un processus ouvert de revue des dépenses, intégrant non seulement les administrations compétentes et les inspections mais aussi les commissions parlementaires, les élus locaux, des personnalités qualifiées voire des consultants – même si cette affirmation n’est pas très à la mode, ceux-ci ont en général une capacité à proposer des solutions disruptives sortant des sentiers battus. Une ouverture à la société civile organisée ou via une concertation citoyenne peut être utile mais plutôt dans une deuxième phase, lorsque des options commencent à être placées sur la table. L’essentiel est surtout que la revue ne se réduise pas à un face-à-face technique entre administrations, qui pourrait pousser au conservatisme. 

Faut-il tout revoir ou se donner un agenda raisonnable et réaliste ? La Revue générale des politiques publiques (RGPP) en 2007 puis 2010 avait voulu tout embrasser, au risque de créer un agenda de réformes trop important et ne pouvant être exécuté par les administrations. Identifier un périmètre focalisé de politiques publiques à étudier est bien entendu plus efficace pour garantir un agenda de transformation réaliste, si tant est qu’il permette de nourrir l’agenda de réformes de plusieurs ministères pour que tous y contribuent. Par ailleurs, le biais fréquent des revues des dépenses est de ne traiter que les dépenses publiques d’État, alors les politiques publiques sont devenues fortement partenariales et que le budget de l’État représente moins d’un tiers de la dépense publique (436 milliards d’euros de dépenses étatiques contre 1 580 milliards d’euros de dépense publique). Associer le secteur social et les dépenses des collectivités est dès lors indispensable. 

Enfin, la revue de dépenses doit donner lieu à des objectifs et des résultats. À ce titre, un résultat de 10 milliards d’euros d’économies potentielles sur un périmètre de 1 580 milliards de dépenses publiques, soit 0,6 % de l’ensemble, peut avoir valeur de test réussi, mais ne remplit pas totalement l’objectif de réduction de la dépense publique. 

Fournir des scénarios de réduction de dépenses par politiques publiques de 10, 20 et 30 % sur leur périmètre donnerait une feuille de route garantissant la réalisation de choix véritables. 

Enfin, réussir à mettre en œuvre des réformes de politiques publiques complexes implique d’associer très en amont les directions interministérielles ayant un rôle majeur dans la transformation publique et étant en capacité d’activer tous les leviers de simplification, numérisation, verdissement et opérationnalisation RH des projets (DITP, Dinum, CGDD, DGAFP). 

Pas une fin en soi mais un processus

Connecter revue des dépenses et transformation publique est un gage de réussite et permet d’éviter de réaliser des réformes uniquement budgétaires qui aboutissent rarement à un succès politique. Cela pose par conséquent la question des contreparties pour les ministères ou les établissements qui prennent des engagements, par exemple de la capacité à redéployer une partie des crédits économisés sur des nouvelles priorités politiques, pour rendre le programme de transformation réaliste et acceptable à l’échelle des dirigeants publics.

La revue des dépenses n’est pas une fin en soi mais un processus. Il ne garantit pas la prise de décisions courageuses pouvant permettre d’atteindre l’équilibre budgétaire, ce qui représenterait plus de 125 milliards d’euros d’économies, mais il définit un cadre permettant d’aller dans cette direction. La question aujourd’hui ouverte reste celle de l’ambition assumée de cette revue de dépenses pour obtenir des résultats à la hauteur des enjeux.

Une vieille tradition de revue des dépenses aux Pays-Bas
Les Pays-Bas sont souvent considérés comme un pays pionnier en matière de revue de dépenses. Entre 1981 et 2023, le pays en a ainsi réalisé sur plus de 320 sujets de service public. Tradition forte depuis près de cinquante ans, la revue des dépenses hollandaise a instauré un task-based budget, qui consiste à définir la mission d’un service public puis à déterminer le budget nécessaire pour l’exécuter. Cet exercice se caractérise notamment par 3 marqueurs forts : 
1.    une injonction d’expertise : le ministère des Finances qui coordonne l’exercice désigne, pour chaque revue, des groupes de travail constitués de hauts fonctionnaires expérimentés et d’experts privés ;
2.    une grande transparence : l’ensemble des rapports sont disponibles chaque année sur une plate-forme en ligne, sur laquelle figurent les sujets de revue de dépenses en cours ou à venir ; 
3.    un affichage assumé d’objectifs d’économies, couvrant l’ensemble du champ de la dépense publique, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle qui est établie avant les élections par le Central Plan Bureau, organe particulièrement écouté par les partis politiques, dont il chiffre les programmes.

Un exercice qui n’est pas allé au bout de son ambition originelle : la revue des dépenses 2014-2017
La loi de programmation des finances publiques lancée en 2014 par le gouvernement de François Hollande a lancé un exercice vertueux : la création d’une annexe au projet de loi de finances (PLF) listant les dernières revues de dépenses menées dans l’année, contenant les principales propositions de réformes structurelles et les économies attendues, ainsi que la liste des revues à lancer au PLF suivant. À la différence des évaluations lancées par le programme de la MAP en 2012, ces revues réalisées par les corps d’inspection interministériels et portant sur l’ensemble des dépenses publiques avaient vocation à être intégrées à la procédure budgétaire. Si les 24 rapports publiés dans les PLF 2016 et 2017 ont identifié des économies budgétaires d’ampleur, les recommandations des inspections ont conduit à des économies de l’ordre de 1 à 2 % du montant des économies envisagées par les rapporteurs. Pourtant assortie d’un conseil stratégique de la dépense publique sous l’autorité du président de la République – dont les travaux n’ont jamais été publiés –, cette revue des dépenses n’aura pas su vraiment transformer l’essai. 

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