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Stéphane Pardoux : “Le « pair-à-pair » amplifie l’efficacité de l’action publique dans le domaine de la santé”

Le directeur général de l’Agence nationale de la performance sanitaire et médico-sociale (Anap) analyse toutes les potentialités du “pair-à-pair”, un mode d’action publique qui renouvelle et enrichit le conseil et qui a déjà fait ses preuves sur les problématiques de santé publique.

Les acteurs de terrain regorgent de solutions, d’expertises et de compétences pour répondre aux défis du système de santé. En médecine, le système de compagnonnage est une voie historique de transmission de l’expertise, qui n’a plus à faire ses preuves. L’Anap, agence de conseil et d’intervention publique du secteur sanitaire et médico-social, choisit depuis de nombreuses années de parier sur l’intelligence collective et de démultiplier son action grâce à un système de pair-à-pair à la puissance inégalée. 

Dans un contexte où le recours à des cabinets de conseil par les administrations et agences publiques pour des missions stratégiques suscite non seulement des questionnements croissants, mais aussi parfois des difficultés d’acceptation au sein des équipes, l’adoption du modèle de pair à pair présente une alternative prometteuse qui favorise le renforcement de l’efficacité de l’action publique. Opter en faveur d’une telle approche implique de cultiver la collaboration et le partage des connaissances, au lieu de se limiter à une dynamique compétitive, ce qui s’avère particulièrement pertinent pour aborder les défis complexes auxquels le secteur de la santé est confronté.

Cette méthode se rapproche du compagnonnage.

La peer instruction a fait son apparition à l’université Harvard en 1991, sous l’impulsion d’Éric Maur, qui en a fait une théorie de l’éducation promouvant l’apprentissage par et avec les autres, renversant ainsi l’organisation classique d’un transfert de connaissance vertical. Privilégier le pair-à-pair, c’est transformer chacun en un destinataire et un transmetteur de connaissance. Cette méthode se rapproche du compagnonnage, système traditionnel de formation professionnelle au sein duquel un aspirant compagnon suivait une formation encadrée par la communauté de compagnons qu’il souhaitait rejoindre. 

Dans le secteur de la santé, le compagnonnage entre médecins est une tradition ancestrale. Le concept est même consacré au sein du code de la santé publique, où “le médecin partage ses connaissances et son expérience avec les étudiants et internes en médecine durant leur formation dans un esprit de compagnonnage, de considération et de respect mutuel”. 

Avec l’avènement de l’Internet puis des réseaux sociaux, un nouvel élan a été donné au pair-à-pair. Faire de son égal sa source de savoir, c’est l‘aspiration que poursuivent tous les forums en ligne, toutes les pages et toutes les applications qui ont été créés ces dernières années. À l’instar des cercles littéraires et scientifiques du XIXe siècle, les internautes choisissent de s’instruire mutuellement autour d’un centre d’intérêt commun. Remis au goût du jour, les réseaux de partage mutualisé ont élargi leur portée et semblent parfaitement résonner dans notre société, de plus en plus rythmée par le numérique. 

Le modèle de pair-à-pair permet de transcender l’isolement et la fragmentation des acteurs en créant un réseau solidaire.

En alliant tradition et modernité, l’Anap s’appuie sur le modèle de pair-à-pair pour mener son cœur d’action. C’est en ce sens qu’elle a constitué un réseau d’experts, composé de 500 professionnels de tous métiers, prêts à intervenir sur le terrain auprès de leurs homologues et à partager leurs retours d’expériences : médecins, cadres de santé, pharmaciens, biologistes, DRH, architectes… viennent appuyer leurs pairs pour la transformation des pratiques organisationnelles au bloc opératoire, en imagerie, dans la gestion des parcours de soins…

Ce réseau d’experts opère comme un puissant levier pour amplifier l’efficacité de l’action publique dans le domaine de la santé. D’une part, il matérialise un lien direct avec le terrain, permettant ainsi de proposer des solutions concrètes et opérationnelles aux problèmes rencontrés. D’autre part, en facilitant cette interaction entre pairs, il crée un sentiment d’appartenance et de solidarité entre les acteurs tout en valorisant leurs compétences individuelles, transformant chaque membre en un partenaire actif et engagé dans l’amélioration continue du système de santé.

Le modèle de pair-à-pair permet de transcender l’isolement et la fragmentation des acteurs en créant un réseau solidaire, où l’expérience et la compétence de chacun sont non seulement valorisées, mais aussi activement partagées. C’est dans ce partage que réside la force véritable du pair-à-pair, qui fait de chaque acteur, non seulement un bénéficiaire, mais aussi un contributeur essentiel à la performance collective du système de santé.

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Club des acteurs publics

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