À dix jours du premier tour de la présidentielle, l’heure n’est pas au chamboule-tout dans les intentions de vote des agents publics, mais le second baromètre Acteurs publics-Ifop est marqué par un net rebond de Jean-Luc Mélenchon par rapport à la précédente vague de février [lire : Macron, Le Pen, Zemmour, trio de tête chez les fonctionnaires].
Le candidat de La France insoumise, qui se hisse à 16,5 % des intentions de vote contre 11,5 % un mois plus tôt, profite de la non-qualification de Christiane Taubira en récupérant les 5 points dont elle était créditée lors de notre premier baromètre. À l’approche du scrutin, Jean-Luc Mélenchon semble aussi bénéficier d’un effet “vote utile” à gauche.
Le député des Bouches-du-Rhône est désormais troisième chez les agents publics interrogés, loin derrière Emmanuel Macron, autre gagnant de cette seconde vague, à 28 % contre 24,5 % en février. Jean-Luc Mélenchon talonne désormais Marine Le Pen chez les fonctionnaires, la candidate du Rassemblement national étant toujours deuxième mais avec 18 % des intentions de vote, à 1,5 point devant lui. Marine Le Pen est quasiment stable puisqu’elle pointait à 17,5 % le mois dernier. Elle ne profite pas du recul de 2,5 points d’Éric Zemmour, à 10 %, ni de celui de Nicolas Dupont-Aignan, qui passe en un mois de 2,5 à 1 % d’intentions de vote chez les fonctionnaires.
À gauche, le communiste Fabien Roussel gagne 1 point, à 4 %, tandis que Yannick Jadot reste stable, à 6,5 %, et qu’Anne Hidalgo perd 1 point, à 3,5 %, un score historiquement bas pour le PS puisqu’il y a tout juste cinq ans, Benoît Hamon était crédité de 17 % des suffrages dans notre baromètre Ifop… À noter que Jean Lassalle fait une petite percée à 3 % chez les agents publics, contre 1 % en février. À droite, Valérie Pécresse poursuit sa descente aux enfers à 8 % (10,5 % en février), exactement comme François Fillon à la même période en 2017.
Dans le détail, il est intéressant de souligner qu’Emmanuel Macron se place en tête, quelles que soient la catégorie d’agents (A, B, C) et la fonction publique dont ils sont issus (État, territoriale, hospitalière). Le Président atteint 30 % chez les catégorie B et 33 % dans la fonction publique hospitalière. C’est dans la fonction publique d’État et chez les catégorie A qu’il totalise un plus faible pourcentage d’intentions de vote, à 26 %. Jean-Luc Mélenchon réalise quant à lui son meilleur score chez les catégorie A, à 21 %.
L’explication est sans doute à chercher du côté des enseignants, longtemps réservoir traditionnel de la gauche, puisque les “profs” représentent 4 agents de catégorie A sur 10. Yannick Jadot atteint 8 % dans cette catégorie d’agents et Anne Hidalgo atteint les 5 %. Marine Le Pen est à 14 % des intentions de vote et Éric Zemmour à 9 %, alors que chez les catégorie C, la candidate RN atteint 23 % et Éric Zemmour, 11 %. Marine Le Pen réalise ses meilleures intentions de vote dans la fonction publique d’État, à 20 % contre 15 % dans la territoriale et 16 % dans l’hospitalière. Jean Lassalle perce dans la fonction publique hospitalière, à 6 %, soit les mêmes intentions de vote que pour Valérie Pécresse.
Pour ce second baromètre Acteurs publics-Ifop, les agents publics ont également été interrogés sur les enjeux qui comptent le plus pour eux dans ce vote présidentiel. Sans surprise, le pouvoir d’achat arrive nettement en tête, à 57 %, devant la santé publique (43 %) et l’environnement, à 32 % (les sondés pouvaient donner jusqu’à 3 réponses). Malgré le contexte international, l’attitude face à la guerre en Ukraine, le renforcement des moyens de la défense nationale ou la construction européenne arrivent loin derrière.
Par catégories d’agents, chez les A, la défense du pouvoir d’achat (54 %) est en tête, suivie par l’éducation nationale (47 %) et l’environnement (40 %). Les préoccupations du vote enseignant se lisent dans ces chiffres. De même pour les agents de la fonction publique hospitalière, qui placent la santé publique comme premier enjeu de vote (64 %), devant la défense du pouvoir d’achat (60 %).
Ce dernier item est sans surprise très nettement en tête dans la catégorie C et dans la territoriale – composée majoritairement d’agents de catégorie C, les moins qualifiés et les moins rémunérés. Dans cette catégorie, les inégalités sociales et la lutte contre la délinquance se classent respectivement en troisième et quatrième enjeux qui compteront lors du vote. Idem chez les territoriaux, qui placent ex-aequo en quatrième position l’environnement.
À dix jours de l’élection présidentielle, la spécificité du “vote fonctionnaire” tend à s’estomper, tant dans les intentions de vote que dans les précoccupations, par rapport à l’ensemble des Français. À ce stade, le retrait forcé de Christiane Taubira et le réflexe “vote utile” à gauche profitent à Jean-Luc Mélenchon, tandis qu’Emmanuel Macron semble solidement installé en tête, conforté, peut-être, par l’annonce d’un dégel du point d’indice de la fonction publique avant l’été.
L’enquête a été menée par questionnaire auto-administré en ligne du 1er au 28 mars 2022, auprès d’un échantillon de 1 399 fonctionnaires inscrits sur les listes électorales, extrait d’un échantillon de 11 545 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interrogée) après stratification par région et catégorie d’agglomération.
